Définir ce qu’est la bonne gouvernance : une étape clé pour le développement durable

Par la direction de l’ISO/TC 309, lauréat du Prix LDE 2024 :

  • Kevin Brear, Président
  • Axel Kravatzky, Vice-président
  • Mike Henigan, Manager du comité

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  • Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui recèle autant de risques que de possibilités. L’intelligence artificielle (IA), qui nous a propulsés dans une nouvelle ère technologique, suscite nombre de questions sur l’avenir. Partout dans le monde, les divisions sociales et politiques se creusent alors même que la hausse des températures entraîne un réchauffement rapide de notre planète.

Pour autant, jamais auparavant nous n’avons été autant connectés aux autres pays mais aussi les uns aux autres. Nous sommes toutes et tous concernés. Nous partageons le même sentiment d’urgence à agir pour relever les défis mondiaux, et nous disposons de technologies plus puissantes que jamais pour faire face aux problèmes sociaux et économiques actuels.

Or, pour tirer parti de ces possibilités et relever les défis qui se présentent à nous, nous devons miser sur deux leviers : notre engagement à poursuivre un objectif et notre capacité à agir en fonction de cet objectif. Une bonne gouvernance est la clé de la réussite sur ces deux fronts.

Une gouvernance faible peut saper la confiance dans les organisations, nuire à leur réputation, entraîner de lourdes pertes financières et avoir des répercussions juridiques préjudiciables. Avant tout, une mauvaise gouvernance nous empêche d’obtenir les retombées positives auxquelles nous aspirons : le bien-être des personnes et la bonne santé de notre planète. La bonne gouvernance donne forme à la finalité d’une organisation et définit les contours de la valeur qu’elle peut générer. Elle permet à cette même organisation de suivre de manière active ses progrès et de rectifier le tir, si nécessaire.

Enfin, la bonne gouvernance est associée à l’obligation de rendre compte. Il ne s’agit pas seulement de mettre en place des systèmes de délégation adéquats permettant de répartir les responsabilités de manière efficace et stratégique. L’obligation de rendre compte de leurs actions conduit les organisations à agir de manière responsable vis-à-vis de celles et ceux qui subissent les conséquences de leurs actions – qu’elles soient positives ou négatives – ainsi que des parties prenantes qui attendent des organisations qu’elles soient en phase avec leurs attentes à chaque étape.

Faire de la bonne gouvernance une priorité mondiale

Nous observons une prise de conscience croissante de l’importance de la bonne gouvernance, avec des questions jusque-là traitées à huis clos au sein des conseils d’administration et qui alimentent désormais le débat public. Nos inquiétudes communes en matière de gouvernance se manifestent au travers des gros titres portant sur des scandales liés à des questions de sécurité qui se chiffrent en milliards de dollars, des mouvements de boycott visant à dénoncer des pratiques financières opaques, mais aussi des exigences en matière de transparence et des attentes de nos sociétés qui aspirent à des produits à la fois bénéfiques et de qualité.

Or, face à des organisations de toutes tailles, de tous secteurs, aux cultures et aux objectifs les plus divers, comment nous accorder sur une définition commune des bonnes pratiques de gouvernance ? Et sur quels critères devons-nous nous baser pour apprécier le leadership d’une organisation ? C’est précisément là qu’interviennent les Normes internationales.

Définir une finalité

La Norme internationale ISO 37000 repose sur le principe selon lequel toute organisation doit définir sa finalité : la valeur ultime qu’elle génère. Pendant trop longtemps, la direction d’une organisation était jugée principalement à l’aune des résultats financiers. Dès lors, la finalité de l’organisation était généralement alignée sur les objectifs financiers. Il est temps pour les organisations d’aller au-delà des aspects financiers et de commencer à contribuer activement à la protection sociale et de l’environnement. Qu’il s’agisse de lutter contre les effets des changements climatiques, de soutenir les communautés à l’échelon local ou de s’attaquer aux inégalités sociales, la finalité d’une organisation doit en fin de compte transcender la génération de revenus ; elle doit également être le vecteur d’un changement positif.

Notre comité technique, l’ISO/TC 309, qui compte 58 membres participants et 27 membres observateurs, élabore des lignes directrices à l’appui notamment de la lutte anti-corruption, des alertes et du contrôle de la fraude. Ces lignes directrices permettent aux organisations d’éviter toute relation d’affaires avec des personnes ou des entreprises mal intentionnées. Nos normes portent également sur les enquêtes internes, les conflits d’intérêts, la traite des personnes, l’esclavage moderne et la gestion de la diversité.

La gouvernance englobe également le cadre ESG. Bien que le G dans ESG renvoie à la « gouvernance », il porte principalement sur la conduite des affaires. La bonne gouvernance va plus loin et intègre tout ce qui relève des pratiques de gestion responsable. Elle régit donc le cadre ESG dans son ensemble ainsi que la performance et la finalité d’une organisation.

Pour construire un avenir meilleur, le critère ultime pour une organisation ne doit plus être le profit, mais le fait d’œuvrer activement en faveur des personnes et de la planète. L’idée sous-jacente n’est pas que tout repose sur l’entreprise. Chaque décision prise entraînera naturellement des résultats à la fois positifs et négatifs sur les facteurs qui constituent la valeur – le capital financier, humain, social, naturel, etc. Inévitablement, il faudra faire preuve de discernement et envisager des compromis. C’est pourquoi l’engagement des parties prenantes, une compréhension approfondie des seuils de durabilité et la responsabilité sont autant de facteurs fondamentaux d’une bonne gouvernance. Une fois ces trois conditions réunies, toute organisation est en mesure de prendre ces décisions et de se donner les moyens d’atteindre sa finalité.

Une finalité soutenue par une action adéquate et proportionnée

Une finalité clairement définie va bien au-delà de l’instauration d’une culture d’entreprise positive ou de la fixation d’objectifs environnementaux ambitieux. Elle fixe le cap en matière pour la prise de décision et permet de s’assurer que chaque choix s’aligne sur la contribution ultime et positive attendue de l’organisation. Plus important encore, elle aide les dirigeants et les décideurs à affronter les périodes de vaches maigres et à apprécier leur situation avec lucidité et discernement.

La réalisation de cette finalité se résume en fin de compte à la mise en œuvre des systèmes nécessaires à une organisation en termes de direction, de supervision et d’obligation de rendre compte pour atteindre la finalité préalablement définie. En effet, la bonne gouvernance ne consiste pas seulement à agir en fonction d’une finalité, mais aussi à agir de manière adéquate et proportionnée afin de produire des résultats reflétant une démarche responsable.

Nous avons élaboré ISO 37000 afin de proposer des orientations permettant aux organisations d’atteindre un tel objectif. Fondée sur l’expertise d’un comité disposant d’une grande expérience dans différents pays et secteurs, cette norme fournit aux organes et aux groupes de gouvernance les outils dont ils ont besoin pour assumer leurs responsabilités, afin que les organisations dont ils assurent la gouvernance soient en mesure de réaliser leur finalité.

En lien direct avec le volet surveillance, les normes ISO 37001, ISO 37002 et ISO 37301 aident les organisations à mettre en place des systèmes de management anti-corruption, des alertes et de la conformité. Ces normes offrent aux organisations les outils nécessaires pour mettre en place des systèmes de contrôle interne efficaces, des mécanismes de reporting et des audits, et pour appliquer les mesures correctives adéquates. Par ailleurs, la gouvernance et l’intégrité sont des principes clés qui ont également été intégrés à d’autres normes couvrant la sécurité, la résilience et la gestion de crise.

En plus d’aider les organisations elles-mêmes, ces Normes internationales donnent également aux organes de gouvernance un gage d’assurance au travers d’orientations sur les audits internes et externes, les rapports internes directs et les protocoles d’alerte. Ainsi, les organes de gouvernance et autres parties prenantes peuvent avoir l’assurance que le reporting est fiable, que les contrôles internes et la gouvernance dans son ensemble sont efficaces.

Un changement de mentalité

La bonne gouvernance exige un véritable changement à la fois culturel et philosophique. Elle ne se limite pas aux réunions trimestrielles ou aux rapports annuels, mais implique un engagement constant à faire preuve de vigilance en matière de conformité, de gestion des risques et de gestion intégrée. Dans bien des cas, elle nous amène à remettre en question nos propres hypothèses de réussite et à reconsidérer les entreprises et les dirigeants que nous admirons le plus, ainsi que les raisons d’une telle admiration.

Mais si nous sommes tous d’accord pour dire que nous sommes engagés sur une voie économique non durable et que nous avons de plus en plus l’impression que les crises se multiplient, un tel changement de priorité en faveur de la bonne gouvernance est non seulement nécessaire, mais également attendu depuis longtemps. À l’avenir, la gouvernance des organisations restera un facteur déterminant de réussite et de durabilité.

Nous sommes fermement convaincus que les efforts que nous déployons pour établir et promouvoir des normes de gouvernance sont essentiels pour bâtir des organisations résilientes, capables de s’adapter au changement et de jouer un rôle de premier plan dans leurs domaines respectifs. Nos Normes internationales ne seront pas seulement la clé pour libérer le plein potentiel des organisations, elles aideront également les personnes et la planète à atteindre une croissance durable dans les années à venir.