La finance au service de la justice climatique
Les normes ont un rôle clé à jouer dans la poursuite d’une finance durable, et ce à plusieurs égards.
La 27e Conférence des parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre 2022. L’ISO et ses membres rejoignent les rangs des acteurs du changement mondial pour mettre en valeur les Normes internationales et montrer comment elles aident à matérialiser les engagements climatiques. Notre couverture de la COP27 offre une vue d’ensemble et des informations plus complètes sur les travaux de l’ISO dans ce domaine, avec des articles de fond ou des documents d’analyse portant à la réflexion.
Une injection de fonds massive est nécessaire pour répondre efficacement aux défis des changements climatiques (et le terme « massif » est peut-être même en deçà de la réalité). Si nous sommes conscients de ce qu’il convient de faire et si nous disposons déjà d’une partie de la technologie nécessaire pour initier des changements radicaux, il nous faut désormais financer la transition vers une économie durable. Deux normes ISO récemment publiées soutiennent ces efforts en contribuant au développement d’un cadre unifié qui permettra aux modèles économiques et à l’économie au sens large de prendre plus rapidement le virage écologique.
Au cours de l’édition 2021 de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), le représentant des États-Unis, John Kerry, a décrit la crise climatique comme un problème « de maths et de physique » et non de politique. Si cette déclaration visait en partie à apaiser des relations bilatérales et multilatérales plus que tendues, elle souligne également le rôle vital de la finance dans la mise en œuvre d’actions climatiques à des degrés toujours plus élevés.
Résoudre les problématiques de financement
Les aspects financiers sont au cœur des développements nécessaires pour faire face aux changements climatiques. Si nous pensons en premier lieu à la finance durable, bien d’autres enjeux économiques méritent notre attention, comme le souligne la journée consacrée à la finance lors de la COP27. Des efforts doivent notamment être déployés pour réduire le coût des emprunts verts, restructurer la dette liée au climat pour les pays les plus pauvres, calculer les réparations à verser aux pays qui pâtissent des impacts des changements climatiques, et veiller à ce que la transition climatique soit juste et équitable.
Depuis le sommet de l’année dernière, certaines régions du monde ont subi les effets dévastateurs du dérèglement climatique, et notamment des crues qui ont atteint des niveaux catastrophiques au Pakistan et ont durement affecté l’Australie, la Chine, certaines régions d’Asie du Sud-Est, le Nigeria ou encore le Venezuela. La question des pertes et des dommages devrait donc être au cœur des débats de la COP27, en particulier le versement souvent défaillant des sommes promises par les pays développés aux pays les moins avancés (PMA). En effet, lors de la COP15, les pays développés s’étaient engagés à verser USD 100 milliards par an aux PMA pour les aider à faire face aux changements climatiques, un engagement qui n’a pour l’heure pas été tenu.
Une injection de fonds massive est nécessaire pour répondre efficacement aux défis des changements climatiques.
L’urgence du changement est réelle, et l’alignement est vital pour coordonner les actions qui permettront d’avancer plus vite vers les objectifs définis. Une grande attention doit être portée aux modes de financement de la transition verte. L’Envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique, Mark Carney, a souligné cet enjeu lors de son intervention au Forum de Davos en mai dernier, déclarant que « promettre que nous atteindrons nos objectifs à l’horizon 2050 n’a aucune utilité concrète ». Il faudrait plutôt, selon lui, s’attacher à définir les actions à mettre en œuvre « au cours des années à venir pour assurer l’alignement nécessaire ».
Une déclaration qui fait allusion à l’un des problèmes centraux de la finance durable. D’une part, les financements sont insuffisants : là où certains estiment la somme à injecter d’ici 2050 à USD 50 000 milliards, Mark Carney en indique le double. Qui plus est, les différents programmes et approches adoptés sont complètement désorganisés, ce qui freine les progrès et explique pourquoi les dépenses liées au climat ne représentent à ce jour que 0,7 % du PIB mondial.
La transition verte
La finance durable couvre une large palette d’activités, notamment l’investissement dans des entreprises incarnant des valeurs sociétales positives ou l’attribution de fonds au développement de technologies vertes. Respectueuses de la planète et de la société, les entreprises durables offrent en outre de meilleurs rendements aux investisseurs, si l’on en croit les données actuelles. Les bourses, les prêteurs et les investisseurs affichent une préférence toujours plus marquée pour les entreprises vertes. De même, les consommateurs et les employés sont plus enclins à rester fidèles à une marque ou à une entreprise qui s’inscrit dans une démarche de développement durable ou qui produit des biens respectueux de l’environnement.
En pratique, plus la transition vers un modèle économique durable sera rapide, moins les coûts associés seront lourds. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) suggère qu’il faudrait dépenser chaque année entre USD 1 600 milliards et USD 3 800 milliards pour atteindre l’objectif de 1,5 °C, sommes en comparaison desquelles nos dépenses actuelles de USD 600 milliards font bien pâle figure. Si nous n’intensifions pas nos investissements, ce chiffre passera à USD 5 000 milliards d’ici 2030.
La technologie, les incitations et l’argent ont été des moteurs efficaces jusqu’à présent, comme en témoigne la croissance des énergies renouvelables. Toutefois, à mesure que la crise climatique s’aggrave, les incitations devraient être remplacées par des dispositifs législatifs et réglementaires, avec des mesures qui deviendront obligatoires en vue d’accélérer les efforts.
Comme dans bien d’autres domaines liés à la crise climatique, les acteurs multiplient les principes, les protocoles, les objectifs, les guides et les réglementations. Mais pour évoluer avec succès à travers les mutations actuelles, les organisations doivent pouvoir s’adapter, ce qu’elles ne pourront faire qu’avec l’assistance, les outils et les informations adaptés.
Les aspects financiers sont au cœur des développements nécessaires pour faire face aux changements climatiques.
Le rôle transformateur des normes
Forte de ce constat, l’ISO a examiné de manière approfondie le paysage de la finance durable. Ses travaux sur cette question, toujours en cours, ont déjà porté leurs fruits, avec une série de normes visant à étayer et à catalyser la finance durable en apportant une structure, de la transparence et de la crédibilité pour les investissements dans des projets et des programmes environnementaux.
Parmi ses dernières normes pour une finance durable, citons ISO 32210, et ISO 14093 dont la publication est imminente. La première, qui s’adresse à tous les types d’organisations composant le secteur financier, propose des lignes directrices pour l’application de principes de durabilité généraux, ainsi que des pratiques et une terminologie connexes. Le cadre flexible d’ISO 32210 lui permet de s’adapter aux circonstances, à la situation et aux activités particulières de chaque organisation, sans compromettre le respect des obligations déclaratives et des réglementations financières en vigueur. ISO 32210 accompagne les organisations dans la poursuite de leurs objectifs de durabilité, en donnant la priorité au risque climatique et aux moyens disponibles pour évaluer les risques physiques et de transition associés à leurs activités en vue de les atténuer.
ISO 14093, pour sa part, s’intéresse aux mécanismes de financement de l’adaptation aux changements climatiques. Plaçant les besoins d’adaptation locale au cœur de l’action pour le climat, elle instaure un cadre et des connexions pour la planification, le financement, la mise en œuvre et le suivi, au niveau infranational et des collectivités de proximité, des subventions nationales et des plans d’adaptation nationaux. Cette norme vise à mieux répondre aux changements climatiques à l’échelle locale en intégrant l’adaptation aux changements dans les systèmes de planification et de budgétisation des administrations locales selon des modalités participatives, tenant par ailleurs compte des questions d’égalité des sexes. Elle prévoit dans cette optique d’augmenter les financements à la disposition de ces administrations pour faire face à l’urgence climatique.
Avec ses nouvelles normes, l’ISO entend lutter contre l’écoblanchiment et la confusion qui règne en matière de finance durable dans le but de renforcer la confiance des marchés. ISO 32210 et ISO 14093 apportent des définitions, des outils de classification, de la transparence et de l’intégrité, et facilitent les efforts participant à mesurer l’impact de la finance durable.
Selon Mark Carney, le changement dont nous avons besoin doit s’effectuer à l’échelle de la révolution industrielle et à la vitesse de la transformation numérique. Voilà qui ne sera pas chose aisée. Les normes joueront un rôle crucial dans la mise en place de changements systémiques, car elles nourrissent les politiques et, plus largement, offrent un cadre pertinent, transparent et prêt à l’emploi pour aider les entreprises à opérer leur transformation.