La planète a grandement besoin des Objectifs de développement durable (ODD) définis par les Nations Unies en faveur d’un monde plus prospère et plus résilient. Qui, aujourd’hui, n’a pas conscience des conséquences incommensurables et potentiellement catastrophiques de l’activité humaine sur l’environnement ? La liste est longue : émissions de dioxyde de carbone, pollution émanant des centrales alimentées au charbon, invasion des océans par des déchets plastiques responsables de la mort des animaux marins, déforestation, fonte de la banquise arctique, changement climatique, urbanisation, etc.
Ces problèmes, aussi bien environnementaux qu’économiques, font peser une lourde menace sur le bien-être des générations futures. Si l’on en croit le Global Risks Report 2018 du Forum économique mondial, en dépit d’une conjoncture plus favorable accompagnée de perspectives de croissance encourageantes, il faut se garder de tout excès de confiance. De fait, ce rapport s’inquiète de l’impact économique des nouvelles technologies issues de la Quatrième révolution industrielle et souligne l’absence de progrès en matière de protection de l’environnement.
Les modèles économiques
Comme l’a soulevé Sharan Burrow, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI), en janvier dernier, à Davos, le modèle économique actuel ne répond pas aux attentes de la main-d’œuvre mondiale, malgré l’engagement d’un certain nombre de dirigeants de respecter les ODD et l’Accord de Paris sur le climat.
Les ODD sont fondés sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), adoptés par les gouvernements en 2001, et se proposent de les porter plus loin. D’après les Nations Unies, ces objectifs du Millénaire « ont donné naissance à un mouvement de lutte contre la pauvreté sans précédent dans l’histoire ». Pourtant, aux dires de certains, la mobilisation en faveur de la réalisation des ODD a été relativement lente. Selon un rapport publié l’année dernière dans The Guardian, un an après l’adoption des ODD, la plupart des entreprises ne jouent pas le jeu, et ce, malgré les opportunités économiques mises en avant par les experts.
L’Objectif no 12 des ODD vise à établir des modes de consommation et de production durables. Selon les Nations Unies, la réalisation de cet objectif nécessite un cadre national fort de nature à instaurer un mode de consommation et de production durable, qui devra être intégré aux plans nationaux et sectoriels et qui fera valoir le développement durable dans les pratiques commerciales et le comportement des consommateurs, dans le respect des normes internationales sur la gestion des produits chimiques et des déchets dangereux.
Paul Polman, Directeur général d’Unilever, multinationale spécialisée dans les biens de consommation qui place le développement durable au cœur de ses activités, a déclaré dans un rapport publié par The Guardian que les ODD offraient « la plus grande opportunité commerciale dont on puisse rêver » et qu’il fallait les placer au centre de la définition des objectifs stratégiques et des décisions d’investissement de l’entreprise. M. Polman explique que les marques d’Unilever engagées dans un « mode de vie durable » (c’est-à-dire qui ont intégré le développement durable dans leur mission et dans leurs produits) enregistrent une croissance « 30 % plus rapide que le reste de l’entreprise ».
Vers la fin des pailles en plastique ?
On observe également des progrès dans d’autres secteurs. McDonald’s, le géant américain du fast-food, a annoncé vouloir limiter le recours aux pailles en plastique jetables au Royaume-Uni (où, d’après la BBC, 8,5 millions de pailles sont utilisées chaque années) et envisager de les remplacer par des pailles en papier. Autre avancée, toujours au Royaume-Uni, au début de l’année, la chaîne JD Wetherspoon a cessé d’utiliser ce type d’accessoire dans ses établissements.
Comment les petites et moyennes entreprises (PME) au budget très serré peuvent-elles protéger leurs marges en même temps que la planète ? Comment peuvent-elles intégrer ces objectifs, et en particulier l’ODD no 12, dans des stratégies de développement durable génératrices de valeur pour leurs propres activités et pour les citoyens ? Les normes ont clairement un rôle à jouer dans ce processus, et ISO 20400 offre des lignes directrices utilisables dans le monde entier pour des achats responsables. Cette norme est alignée sur ISO 26000 qui formule 450 recommandations en lien avec les ODD et établit les sept questions centrales de responsabilité sociétale : gouvernance de l’organisation, droits de l’homme, relations et conditions de travail, environnement, loyauté des pratiques, questions relatives aux consommateurs, et implication auprès des communautés et contribution au développement local.
Avantages à la clé pour les PME
Fondateur et Directeur général de A2 Consulting, une PME d’une centaine de salariés exerçant principalement en France et spécialisée dans la transformation des organisations, Jacques Schramm a une expérience directe de la question. Il a assuré la présidence du projet ISO pendant quatre ans – « un effort d’envergure pour une organisation de taille plutôt modeste » – et reste convaincu que cette démarche a contribué à asseoir la réputation de sa société et a facilité ses activités de prospection.
Comme il l’explique : « Nous jouons un rôle actif dans la promotion de cette nouvelle norme en France, avec la conception d’un baromètre ISO 20400 permettant d’évaluer chaque année ce qu’en savent les grandes organisations des secteurs public et privé, le degré d’application des lignes directrices en question et quels sont les impacts de la responsabilité sociétale d’entreprise sur la société. »
Il précise aussi qu’ISO 20400 est alignée à la fois sur ISO 26000 et sur l’ODD 12, d’où le soutien sans faille apporté par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). En effet, cette organisation des Nations Unies chargée de promouvoir des modes de consommation et de production durables dans le monde a participé pleinement au groupe de travail.
Les avantages d’ISO 20400
ISO 20400, Achats responsables – Lignes directrices, est une application sectorielle de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale, qui définit les principes de comportement éthique à appliquer tout au long de la chaîne d’approvisionnement. La norme:
- Assure la sécurisation des chaînes d’approvisionnement (p. ex. rappel de produits ou faillite d’un fournisseur)
- Prévient les risques financiers, environnementaux et sur l’image de marque
- Favorise la confiance des investisseurs et des clients
- Favorise le bien-être des salariés
- Contribue à l’ouverture de nouveaux marchés pour les produits et les services
Transformation des risques
M. Schramm souligne que la norme ISO 20400 est considérée par le PNUE comme un outil précieux pour les grandes organisations d’achats. Elles s’en servent pour établir une politique d’achat adaptée qui tient compte des finalités de l’ODD no 12, dans la mesure où le contexte et leur activité leur permettent d’en faire une priorité. Selon lui, « aborder cette question sous le bon angle peut conduire à transformer un risque en opportunité via la refonte des achats, l’analyse du cycle de vie, le recyclage des déchets et la transformation des modèles économiques. C’est pourquoi certaines organisations ont placé cette question au cœur de leur stratégie ». Des propos qui devraient réjouir Paul Polman.
A2 Consulting a notamment tiré un avantage direct de la mise en œuvre d’ISO 20400. En effet, la définition plus précise des critères d’achats responsables a permis à l’entreprise de M. Schramm d’obtenir un score de 79/100 dans l’évaluation RSE d’EcoVadis, ce qui la classe parmi les leaders de sa catégorie. Ce processus interne simplifie également la prospection et favorise non seulement le recrutement de nouveaux talents, mais également « de les garder plus longtemps dans l’entreprise après leur embauche ».
Un travail de promotion efficace
Pour être pleinement utile, il faut qu’ISO 20400 soit mise en œuvre partout dans le monde et intégrée dans des organisations dont la complexité ne cesse d’augmenter au niveau mondial. Le meilleur moyen d’y parvenir implique de travailler à promouvoir efficacement la norme, en particulier s’agissant du contexte propre au pays dans lequel les organisations opèrent. « En France, grâce au baromètre ISO 20400, nous allons d’abord travailler à expliquer l’intérêt, pour les organisations, d’utiliser la norme, en mettant en avant de nouvelles tendances telles que la prise en compte des exigences des investisseurs », précise M. Schramm. « Nous devons également travailler sur le volet pratique et les outils facilitant l’application de la norme, par exemple à des lignes directrices plus poussées, notamment la définition des priorités, ou encore à des approches d’évaluation, à des outils et à des fournisseurs de services qui, ensemble, sont des gages de reconnaissance et de confiance. »
Collaboration internationale et partage d’expériences entre pays du monde entier sont également des facteurs décisifs pour promouvoir la norme. Shaun McCarthy connaît parfaitement les atouts d’une telle collaboration. Il préside en effet la Supply Chain School, une « école » au sein de laquelle collaborent clients, entrepreneurs et fournisseurs de premier rang, qui ont un intérêt mutuel à acquérir les compétences indispensables de leur chaîne d’approvisionnement. Cette école fournit à ceux qui s’y inscrivent les techniques les plus pointues en matière de management, de construction hors site et de pérennisation des connaissances « pour vous aider à piloter et à intégrer le changement ».
M. McCarthy est également Directeur d’Action Sustainability, un petit cabinet de conseil spécialiste des achats responsables, qui a poussé les délégations britannique et australienne au travail sur ISO 20400. À l’instar de Jacques Schramm, il affirme que ses clients font état d’avantages substantiels : « réduction des coûts, multiplication des contrats remportés, confiance accrue des actionnaires, meilleures relations client et niveau de risque réduit ».
Un soutien pratique
En plus d’offrir un soutien pratique et des conseils concrets, Action Sustainability peut valider les processus d’achats responsables d’une organisation et appuyer l’élaboration de plans d’action en utilisant les lignes directrices d’ISO 20400 comme cadre stratégique.
L’essentiel des activités de la plupart des organisations dans le monde s’opère au travers de leurs chaînes d’approvisionnement. Pour M. McCarthy, il est impossible de réaliser l’ODD no 12, et, du reste, beaucoup d’autres ODD, sans faire contribuer la chaîne d’approvisionnement. « ISO 20400 propose un cadre dans cette optique », explique-t-il.
ISO 20400 indique également aux organisations comment structurer une démarche d’achats responsables. À court terme, observe M. McCarthy, les organisations n’ont pas d’objectifs clairs. Elles ne savent pas formuler leurs politiques dans des termes parlants pour leurs chaînes d’approvisionnement, et l’ordre des priorités n’est pas établi en fonction des nécessités de la chaîne logistique ». ISO 20400 est là pour fournir ce « fil conducteur » qui permet de faire le lien avec leurs objectifs stratégiques.
Des lignes directrices de haute qualité
Selon M. McCarthy, pour garantir la compétence et préserver la compétitivité de la chaîne d’approvisionnement à plus long terme, il est indispensable d’en renforcer les capacités. Faute d’investir à ce niveau, on perdra en compétitivité et les prix augmenteront. Les achats responsables ne coûtent pas forcément plus cher, contrairement aux mauvaises politiques d’achat. « ISO 20400 fournit des lignes directrices de haute qualité dans ce domaine », ajoute-t-il.
Action Sustainability a pour mission d’agir pour la durabilité dans l’entreprise. Mais, comme le précise M. McCarthy, « nous devons évaluer les prestations réelles de nos fournisseurs et non pas les submerger de questionnaires inutiles. Les lignes directrices relatives à la mesure des performances qui figurent dans la norme ISO 20400 sont d’un grand recours pour les organisations qui s’y attèlent ». Avec cette norme sur les achats responsables, les petites organisations peuvent clairement avoir un impact de poids, et nous donner à tous l’espoir d’un avenir plus durable.