Depuis le premier Sommet de la Terre qui s’est tenu à Rio en 1992, la course à l’atténuation des effets des changements climatiques est enclenchée. De sommet en sommet, les États du monde entier sont instamment encouragés à mettre en place des mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la hausse des températures de la planète.
Programmes d’incitation à l’installation de panneaux solaires, barrages hydroélectriques, parcs éoliens, véhicules électriques et campagnes de recyclage sont autant de façons, parmi d’autres, de s’attaquer au problème. Et pourtant, d’après le rapport The Emissions Gap Report 2017 publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, les émissions mondiales de GES continuent d’augmenter, quoiqu’à un rythme moins rapide ces dernières années.
Le prix à payer
Nous continuons tous de payer un lourd tribut, non seulement en nombre de morts et de blessés, victimes de phénomènes météorologiques extrêmes, mais aussi en termes financiers en raison des récoltes perdues, des communautés détruites et des efforts massifs de reconstruction que cela suppose. À titre d’exemple, 2017 a été l’année la plus chère jamais enregistrée pour ce qui est des indemnités d’assurance versées en raison de catastrophes naturelles, avec la saison des ouragans la plus coûteuse qu’aient connue les États-Unis et des inondations dévastatrices en Asie du Sud.
Les phénomènes météorologiques exceptionnels, aggravés par les changements climatiques, et les effets de la combustion des énergies fossiles sur la santé, ont coûté à l’économie américaine au moins USD 240 milliards par an ces dix dernières années, selon le rapport The Economic Case for Climate Action in the United States publié par l’ONG Universal Ecological Fund, association à but non lucratif qui diffuse des données scientifiques destinées à l’étude des changements climatiques.
Au Royaume-Uni, des phénomènes hydrologiques extrêmes attribués aux changements climatiques, comme des sécheresses et des inondations, ont lourdement pesé tant sur les communautés que sur les entreprises. Anglian Water, plus grande compagnie de distribution d’eau et de recyclage des eaux usées du Royaume-Uni, peut en témoigner. Selon Christopher Hayton, Responsable des relations publiques chez Anglian Water, « ces 40 dernières années, le nombre de sécheresses a largement dépassé toutes les prévisions, et les mesures de restriction d’eau drastiques qui ont été prises ont eu une incidence majeure sur nos clients ».
« Parallèlement, les inondations sont de plus en plus difficiles à prévoir, ce qui augmente les risques non seulement pour nos clients, mais aussi pour nos ressources vitales. Ces risques sont accentués par la croissance économique rapide et le développement soutenu du parc immobilier attendus dans les 25 prochaines années. »
Bien entendu, la question de la migration urbaine ne se pose pas qu’au Royaume-Uni ; c’est un problème mondial qui aura de fortes répercussions sur les ressources de la planète, lesquelles sont déjà soumises à de fortes pressions. S’ajoute à cela la croissance continue de la population mondiale, qui devrait atteindre 9,7 milliards d’ici à 2050 selon les estimations du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies. Il est donc peu probable que la pression exercée sur notre environnement retombe dans un proche avenir.
Prendre les mesures qui s’imposent
Il ne fait aucun doute que le monde doit mettre en place des mesures pour lutter contre les effets des intempéries. Une mesure importante est l’adaptation aux changements climatiques : agir dès maintenant pour prévenir ou réduire au minimum les dégâts dus aux catastrophes naturelles et ainsi sauver des vies et limiter les coûts.
Certains pays ont déjà mis en place des plans pour s’adapter aux changements climatiques, mais il faut aller plus loin, estime Zelina Zaiton Ibrahim, Vice-présidente du sous-comité SC 7, Gestion des gaz à effet de serre et activités associées, du comité technique ISO/TC 207, Management environnemental.
« Les études publiées l’an dernier montrent un lien direct entre les causes humaines du changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes survenus récemment », explique-t-elle. « C’est pourquoi les mesures requises pour atténuer le changement climatique et celles prises pour s’y adapter doivent être mises en place de concert. Mesures d’atténuation et mesures d’adaptation sont les deux faces d’une même pièce. »
Lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2016 (COP22), un an après l’Accord de Paris, USD 100 milliards ont été promis chaque année jusqu’en 2020 pour aider les pays en développement – qui comptent parmi les plus touchés – à réduire leurs émissions et à s’adapter aux changements climatiques. Sur cette somme, USD 20 milliards seront consacrés aux mesures d’adaptation. Puis, à la COP23 en 2017, un certain nombre d’initiatives ont été lancées pour aider les pays à s’adapter aux réalités du changement climatique. L’une de ces initiatives contribuera à protéger les populations des petits États insulaires en développement contre les effets du changement climatique sur la santé, tandis qu’une autre a pour but d’améliorer la résilience climatique des femmes de la région du Sahel, qui se situe entre le Sahara et la savane soudanienne.
De plus, les gouvernements et les autorités nationales mettent en place des plans nationaux d’adaptation, qui imposent souvent aux entreprises et aux industries de présenter périodiquement des rapports d’avancement. Ainsi, le Japon a lancé sa Stratégie d’adaptation au changement climatique en janvier 2017 pour contribuer à l’Accord de Paris, et de nombreux gouvernements locaux conçoivent leurs propres mesures d’adaptation dans le cadre de cette stratégie.
La préfecture de Hyogo, par exemple, située dans la région de Kansai, dont la capitale est Kobe, a défini son Plan pour la promotion des mesures contre le réchauffement climatique, lequel englobe les politiques nationales et prend en compte les objectifs, les jalons et le plan d’action de la Stratégie d’adaptation au changement climatique. Pour associer les habitants à ce processus, la préfecture organise des ateliers dont le but est d’évaluer l’impact réel du réchauffement climatique.
Selon Hiroshi Koshio, Directeur de la division Solutions contre le réchauffement climatique de la préfecture de Hyogo, « une meilleure compréhension des répercussions du réchauffement nous permet de mieux envisager les mesures d’adaptation que les personnes ou les communautés locales peuvent prendre. In fine, nous espérons que les résultats seront intégrés au futur plan d’adaptation ».
Améliorer la résilience
L’adaptation présente aussi un intérêt commercial, et John Dora de John Dora Consulting Limited a une vaste expérience dans ce domaine. Consultant auprès des pouvoirs publics, des organismes de réglementation, des opérateurs d’infrastructures et des prestataires de services dans le domaine de la résilience aux changements climatiques et météorologiques, M. Dora est aussi l’Animateur de l’un des groupes de travail de l’ISO/TC 207/SC 7, chargé d’élaborer des normes pour l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ces changements.
« Le bouleversement de l’infrastructure d’une organisation par les conditions météorologiques extrêmes a des effets néfastes tant sur les revenus que sur la réputation », explique M. Dora. Il peut aussi avoir des répercussions sur le devoir de diligence de l’organisation. « Légalement, les responsables des organisations ont un devoir de diligence, et le changement climatique est désormais vu comme un risque qui peut causer des préjudices et qui est prévisible », ajoute-t-il. « Les directeurs devraient donc prendre en compte les effets du changement climatique sur leurs activités, faute de quoi ils pourraient être tenus responsables de pertes futures. »
Anglian Water, par exemple, considère que cela est essentiel. La compagnie a investi plus de cinq milliards de livres sterling ces cinq dernières années dans des programmes visant à renforcer la résilience et à créer de nouvelles infrastructures de croissance. « Nous procédons actuellement à la planification de la période 2020-2025 et nous prévoyons d’investir davantage encore dans des programmes essentiels de renforcement de notre résilience à ces problèmes », déclare M. Hayton. « Pour le dire simplement, si aucune mesure n’est prise pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter, il sera impossible de répondre à la demande en eau », ajoute-t-il.
Être « adapté au changement climatique »
Pour M. Dora, la résilience est essentielle. Selon lui, pour être considérées comme résilientes et « adaptées au changement climatique », les organisations doivent intégrer la capacité d’adaptation dans toutes leurs fonctions. Elles doivent avoir une bonne compréhension de la manière dont les conditions météorologiques actuelles et futures peuvent les toucher, et mettre en place des stratégies opérationnelles et de management qui leur permettent de répondre aux défis climatiques qui se posent actuellement et se poseront plus tard.
« Les organisations doivent mettre en place des stratégies d’adaptation aux changements climatiques, de préférence avant que ces changements ne les atteignent », ajoute-t-il. « Et tout cela doit faire partie de la « routine », en tenant compte des coûts à engager de sorte que ces stratégies n’aient, en fin de compte, qu’une incidence marginale sur la performance financière. » Ce n’est pas une tâche aisée… Voilà pourquoi les normes peuvent nous aider.
Concrétiser une vision
Il est nécessaire d’avoir une vision stratégique et un cadre pour anticiper les changements climatiques et leurs effets et pour les intégrer, avec les mesures d’adaptation, dans les opérations et les stratégies de management de l’organisation. C’est précisément ce qui motive les travaux actuels de l’ISO sur une série de Normes internationales.
La future ISO 14090, concernant la mise en place d’un cadre pour l’adaptation aux changements climatiques, aidera les organisations de tout type à mettre en place une structure pour se préparer à l’évolution de la situation météorologique et mettre en œuvre des mesures d’adaptation.
Elle sera utile à toute organisation qui souhaite mieux comprendre les impacts et les risques liés à ces changements, ainsi que sa propre vulnérabilité, et lui permettra de renforcer sa résilience grâce à des mesures d’adaptation appropriées. Son complément, ISO 14091, qui traite de la vulnérabilité, des impacts et de l’évaluation des risques, et la spécification technique ISO/TS 14092 destinée aux pouvoirs publics locaux et aux collectivités sont également en cours d’élaboration.
Combler la lacune
Pour M. Dora, ces normes combleront une lacune importante. « La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a élaboré les Lignes directrices pour l’établissement de programmes d’action nationaux aux fins de l’adaptation ainsi que les Directives techniques pour le processus des plans nationaux d’adaptation à l’usage des pays les moins avancés », indique-t-il. « Mais il manque un maillon à la chaîne, car, à l’échelon, par exemple, des organisations ou des collectivités, il n’existe pas de cadre d’adaptation de haut niveau pour soutenir ces lignes directrices. Les normes sont conçues pour aider tous les types d’organisation, quel que soit leur degré d’avancement dans l’élaboration d’un plan d’adaptation. »
Pour la préfecture de Hyogo, les normes amélioreront beaucoup les choses. « Les normes d’adaptation à venir devraient aider les autorités locales à contribuer à l’Accord de Paris et à mettre en œuvre des mesures d’adaptation efficaces », déclare M. Koshio.
Anglian Water espère aussi tirer profit de ces normes, bien que ses plans et programmes d’adaptation soient déjà bien en place. « Nous attendons avec intérêt la publication de ces normes », affirme M. Hayton, « et nous pensons que la normalisation internationale dans ce domaine sera un outil précieux qui aidera les organisations à anticiper les changements climatiques et à s’y adapter. »