Imaginez un réseau de transport de fret avancé et interconnecté, qui assure le transfert des biens en toute sécurité, rapidité et rentabilité. Un réseau qui facilite la transition entre différents modes de transport et qui fournit des informations fiables, prévisibles et accessibles permettant d’acheminer un produit du point A au point B, jusqu’au destinataire final.
Dans le monde d’aujourd’hui marqué par l’encombrement des voies de transport, il apparaît clairement que la logistique électronique appliquée au mouvement des marchandises est un secteur en plein essor qui n’est pas près de plafonner. Les entreprises recherchent les moyens les plus efficaces et les plus rapides de mettre leurs produits sur le marché et de les faire parvenir au consommateur. Or, il semble que la demande dépasse fréquemment la capacité des infrastructures de transport, et les entreprises ont pratiquement toutes à gérer un jour ou l’autre des problèmes liés à d’importantes variations dans les charges à transporter, à la lenteur de l’acheminement, et au coût élevé du transport.
Une croissance mondiale
Chaque objet de nos maisons ou de nos bureaux est parvenu jusqu’aux étalages du commerçant par un moyen de transport rapide, sûr et efficace. Le trajet parcouru par les produits de consommation est parfois très court, à l’échelle d’une ville, mais il arrive qu’ils aient à traverser la planète entière, souvent en utilisant différents modes de transport (ferroviaire, aérien ou routier). Le mode d’acheminement des marchandises évolue à un point qui aurait été inimaginable pour nos parents et à un rythme sans précédent dans l’histoire.
Pour bien mesurer l’impact du transport de fret à l’échelle mondiale, il faut savoir que plusieurs milliers de milliards de dollars de marchandises transitent chaque année à travers le globe via une chaîne logistique mondiale de plus en plus interconnectée et interdépendante. Selon le rapport Key Statistics and Trends in International Trade 2016, qui contient les derniers chiffres analysés par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le commerce mondial pesait quelque 16 000 milliards de dollars en 2015. Chaque port et chaque aéroport est relié à des réseaux routiers ou ferroviaires, avec des délais d’acheminement intermodal qui reflètent le caractère multimodal du transport de marchandises.
Le secteur du transport de marchandises, que ce soit à l’échelle nationale ou internationale, va continuer de progresser dans les années et les décennies à venir du fait que les économies axées sur l’exportation et les pays en développement génèrent un accroissement du commerce mondial. Les exigences additionnelles du volume de fret (tonnes de marchandises transportées) et les distances d’acheminement iront de pair avec des problèmes d’encombrements routiers, de dommages écologiques et, par voie de conséquence, de pertes économiques.
Il ne fait aucun doute que ce secteur a bien changé, notamment du fait de l’importance majeure de critères comme la rapidité et la sûreté des livraisons, non seulement au niveau local mais aussi à l’international. Quand une marchandise arrivera-t-elle à bon port ? Où se trouve-t-elle à l’instant T ? Quel est son état ? Pourquoi ce camion a-t-il effectué un arrêt imprévu ? L’accès aux données en temps réel n’a jamais été aussi vital pour les entreprises.
De nouvelles exigences
À l’ère de la connectivité, les gains d’efficacité du secteur peuvent être décuplés par la présentation des données. En l’état actuel des choses, les systèmes ne parviennent pas à gérer le volume de données disponibles dans différents formats. Prenons l’exemple d’une chaîne d’approvisionnement lambda : les sociétés de transport et leurs sous-traitants utilisent en permanence plusieurs centaines de systèmes GPS et les données provenant de leurs flottes respectives doivent donc être réunies dans un même flux avant d’être transmises uniquement aux clients concernés.
Aujourd’hui, le secteur doit gérer cette abondance de données entrantes et sortantes. Se pose ensuite le problème de l’interconnectivité des données. Le secteur des chaînes d’approvisionnement compte une multitude de normes (EDIFACT-ONU, SMDG, LOGINK, GS1 et OAGi) et pourtant, le manque de fluidité et l’inefficacité en général, ainsi que la hausse des coûts et la complexité des opérations d’expédition et de livraison des marchandises, exercent une pression supplémentaire sur les marges des fabricants du monde entier.
« Dans le domaine des transports et de la logistique, les normes sont nombreuses et cela n’est pas près de changer », déclare Jan Tore Pedersen, le Président de Marlo, une société indépendante de premier plan dans ce secteur. « L’interopérabilité optimale implique des Normes internationales en matière de connectivité et d’échange de données. »
Il est primordial de comprendre ces tendances pour repenser de fond en comble le fret et bien préparer l’avenir du transport intermodal. Selon M. Pedersen, des initiatives comme celles de l’European Gateway Services dans le port de Rotterdam et de la Common Booking Platform dans le port d’Anvers risquent de changer la donne, la visualisation du transport intermodal s’avérant de plus en plus utile au feedering des conteneurs intercontinentaux. « Déployés à plus grande échelle, ce type de services a des chances de prendre le pas sur le transport routier grâce à leur meilleure disponibilité, à l’augmentation des fréquences et aux coûts inférieurs », explique-t-il.
L’innovation en action
La plupart des innovations nécessaires pour relever ces défis sont déjà en train de voir le jour, et le transport de données ne relève plus de la science-fiction. Par exemple, le comité technique ISO/TC 204, Systèmes intelligents de transport, axe son travail sur les besoins de la chaîne d’approvisionnement mondiale en matière d’échange de données, notamment celles requises pour l’interface entre les différents modes de transport. Il est fondamental de répondre à ces besoins pour les systèmes de commande et d’information dans le domaine des transports.
Prenons l’exemple de la spécification technique ISO/TS 24533:2012, Systèmes intelligents de transport – Échange d’informations électroniques facilitant le mouvement du fret et son transfert intermodal – Méthodologie pour l’échange d’informations concernant le transport routier. Ce document s’intéresse aux interfaces de transport par véhicules motorisés au sein de la chaîne d’approvisionnement, et plus particulièrement aux principaux éléments d’information de transport indispensables pour que les biens soient mis sur le marché sans délai dû à l’échange des données. Ainsi, les structures et formats des modes d’interface doivent être compatibles pour assurer l’efficacité et la sécurité de bout en bout.
L’ISO/TS 24533 vise à faciliter l’échange de données électroniques entre les multiples partenaires de la chaîne d’approvisionnement, ce qui permettra de maintenir des normes. Ces relations de type « plusieurs à plusieurs » garantissent également que les données générées par le premier partenaire seront également accessibles par tous les autres et permettront aux douanes de suivre très tôt le trajet des marchandises dans la chaîne d’approvisionnement.
Cette spécification technique contribue à éliminer les goulots d’étranglement dans l’échange de données, mais c’est le référentiel antérieur UBL (Langage d’affaires universel) qui a amorcé cette tendance. Publié en 2015 sous la forme de la norme ISO/IEC 19845, ce référentiel définit un langage générique d’échange de données assurant l’échange d’informations dans un format commun pris en charge par les diverses applications commerciales utilisées dans la chaîne d’approvisionnement des multiples intervenants.
L’évidence même
Comment les entreprises réagissent-elles ? Les sociétés de transport commercial se sont montrées hésitantes à l’heure d’adopter des technologies plus avancées, et ce, pour diverses raisons. Elles se demandent quelles innovations auront le plus d’impact sur leur rentabilité et leurs performances globales.
Pour Marlo, les Normes internationales jouent, et continueront de jouer, un rôle important dans le secteur de la logistique. Mais, comme le précise M. Pedersen, « si nous voulons développer le transport intermodal, les organisations internationales de normalisation doivent perfectionner leurs outils, mais surtout favoriser l’interopérabilité et collaborer au lieu de se faire concurrence ».
La collaboration est effectivement essentielle. Pour atteindre des objectifs communs, il est indispensable d’établir de nouveaux partenariats et de nouvelles méthodes de travail avec d’autres organismes à activités normatives. À cette fin, l’ISO/TC 204 a lancé l’idée d’une coordination étroite avec d’autres comités techniques de l’ISO compétents, l’OASIS, l’IATA, l’IEC, le CEN, le Centre des Nations Unies pour la facilitation du commerce et les transactions électroniques et l’Organisation Mondiale des Douanes. Il n’est plus envisageable de travailler en vase clos, surtout face à l’essor spectaculaire du marché international du fret intermodal.
D’après les prévisions du cabinet d’étude MarketsandMarkets1), le transport de fret intermodal à l’international devrait peser USD 26,19 milliards en 2019, soit un taux de croissance annuel composé estimé à 16,4 % entre 2014 et 2019. Selon le scénario actuel, l’Amérique du Nord deviendra le premier marché en termes de dépenses et d’adoption du marché international du fret intermodal.
Face à l’explosion du secteur du transport de fret intermodal à l’échelle mondiale, il est de plus en plus urgent de disposer de normes. Compte tenu des inquiétudes sécuritaires actuelles, c’est véritablement un impératif pour ce secteur qui cherche de nouvelles formules pour gérer les défis que présente l’acheminement du fret autour de la planète.
Michael Onder, Président de C3 Consulting aux États-Unis, nous donne son point de vue sur ces questions d’importance. « Aujourd’hui, le marché mondial est très concurrentiel. Les systèmes de transport intermodal doivent donc satisfaire aux attentes du secteur en termes d’efficacité et de fiabilité, mais aussi aux attentes des pouvoirs publics en termes de développement durable », explique-t-il. « Il ne fait aucun doute que le domaine des transports est un système très complexe composé de systèmes et de réseaux diversifiés. Toutefois, pour établir un système d’interface, il faut des normes pleinement approuvées et acceptées. »
M. Onder, qui est aussi le chef de projet de l’ISO/TS 24533, en explique les avantages : « Nous espérons utiliser l’ISO/TS 24533 comme un référentiel pour l’interopérabilité qui permettra la prise en charge des messages construits selon l’ISO/IEC 19845 par d’autres systèmes (EDIFACT-ONU, GS1, LOGINK). Cela réduira le coût d’exploitation et la consommation d’énergie, tout en améliorant la fiabilité et la prévisibilité, deux facteurs essentiels à la prise de décision dans la chaîne d’approvisionnement. »
Une vision à long terme
Aujourd’hui, le système de transport de fret n’est plus cantonné au chargement de cartons dans des camions, des trains, des bateaux ou des avions, il lui faut aussi gérer des crises et comprendre l’évolution des technologies. De nouveaux défis repoussent sans cesse les limites : suivi en temps réel dans le monde entier, réalisation d’économies sur les coûts tout en garantissant la livraison en temps voulu, et anticipation des problèmes avec mise en place de plans de secours.
Ce qui semblait impossible hier est désormais à portée de main grâce aux technologies et aux informations disponibles aujourd’hui. Pour atteindre la perfection dans le domaine des transports, il faut relever divers défis, notamment ceux que posent la multiplicité des normes et les problèmes d’interopérabilité. Les normes sur l’échange de données intermodales élaborées par l’ISO permettront de relier nos ports aux plateformes ferroviaires et aux centres de distribution par avion et par transport routier, et d’optimiser le mouvement du fret.
Cette vision à long terme se concrétisera par un transport intermodal harmonisé qui sera un vecteur de croissance économique. Ce secteur sera résilient, économe en énergie et durable. Les normes ISO apporteront-elles la solution ? Si des technologies de conception prospective en sont les moteurs, la réponse est oui.
- Les analystes collaborant avec MarketsandMarkets sont issus de maisons d’édition et de cabinets d’étude renommés à l’international qui apportent leur expertise et leur compréhension du secteur. Ils se basent sur des faits recueillis auprès de quelque 22 000 sources d’actualité et d’information, sur une base de données recensant une centaine de milliers d’acteurs majeurs du secteur et sur un échange avec plus de 900 sociétés d’études de marché du monde entier.