Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle ère spatiale ?

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Par Elizabeth Gasiorowski-Denis
Mots clés : EspaceAviation
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Est-ce la fin de la révolution spatiale ou sommes-nous sur le point d'en ouvrir un nouveau chapitre ? Rusty Rentsch, Président de l'ISO/TC 20, Aéronautique et espace, nous fait part de ses réflexions sur l'industrie du vol aérospatial et sur les perspectives d'avenir dans ce domaine.

Il y a 54 ans, le 12 avril 1961, le cosmonaute soviétique Youri Gagarine (alors âgé de seulement 27 ans) inaugurait l’ère de la conquête spatiale en vol habité en effectuant, à bord du vaisseau spatial Vostok 1, le premier tour de la Terre en orbite. Cette date historique marque symboliquement la conquête de la toute dernière frontière et l’entrée dans une nouvelle ère d’explorations spatiales et de découvertes scientifiques. Pour commémorer l’anniversaire de cet exploit, les Nations Unies ont décrété le 12 avril Journée internationale du vol spatial habité.

Avant la mission de Gagarine, personne n’aurait pu imaginer qu’un jour des astronautes sortiraient dans l’espace et que l’on construirait des stations spatiales orbitales. Au cours des dernières décennies, les missions spatiales ont pourtant rendu possible des avancées scientifiques et technologiques qui, d’une manière ou d’une autre, sont utilisées partout et chaque jour dans notre société.

Est-ce la fin de la révolution spatiale ou sommes-nous sur le point d’en ouvrir un nouveau chapitre ? Nous avons demandé à Rusty Rentsch, Président de l’ISO/TC 20, de nous dire ce qu’il pense de l’industrie du vol aérospatial, de l’avenir des vaisseaux spatiaux robotisés, des innovations et des missions vers des horizons inexplorés, et du rôle que les normes qui se profilent seront appelées à jouer dans ce contexte.

ISOfocus : Alors que nous célébrons ce mois-ci le 54e anniversaire du premier vol spatial habité, il me paraît juste de souligner que nous célébrons aussi avec l’aérospatiale, un formidable exemple de coopération mondiale à des fins pacifiques, même entre rivaux politiques. Parlez-nous de cet effort de collaboration globale qu’illustrent certaines innovations marquantes de l’aérospatiale ?

Rusty Rentsch, Président de l'ISO/TC 20,
Aéronautique et espace
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Rusty Rentsch : Comme beaucoup de gens, je suis émerveillé de voir voler un avion ou décoller une fusée, d’écouter vrombir un turboréacteur ou de regarder un astronaute marcher dans l’espace. C’est incroyable, nous sommes sur la Terre depuis plusieurs millénaires, pourtant voilà seulement 110 ans que des appareils volants motorisés défient les lois de la pesanteur, et 54 ans à peine que l’on est allé au-delà de l’atmosphère terrestre.

La collaboration mondiale et la normalisation internationale ont joué un rôle significatif pour repousser toujours plus loin les limites du possible. Je ne suis nullement surpris que les scientifiques et les ingénieurs qui partagent cette passion y contribuent sans distinction de nationalité. Ils concentrent leur énergie et collaborent sur des nouvelles technologies qui permettent de faire progresser les connaissances et les capacités humaines.

La station spatiale internationale en est une illustration exemplaire. Les partenariats internationaux chargés de la conception et de la construction de cette station qui travaille en continu montrent notre capacité à collaborer ensemble sans frontières pour le bien de l’humanité.

Rusty, très peu de gens se rendent compte de tout ce que l’aérospatiale a apporté dans leur vie quotidienne. Dites-nous ce qu’il en est, non seulement en matière de normes, mais aussi, dans vos activités, aux États-Unis, au sein de l’Aerospace Industries Association (AIA) ?

Beaucoup d’innovations de l’aérospatiale font maintenant partie de notre vie quotidienne. La plupart d’entre elles nous semblent parfaitement banales. Vous avez, par exemple, pour trouver votre chemin, la boussole et le système de positionnement global (GPS) de votre smartphone, vous pouvez consulter les prévisions météorologiques locales ou regarder les Jeux olympiques à la télévision. Beaucoup de gens l’ignorent, rien de tout cela n’aurait été possible sans les technologies de télécommunication par satellites.

Je m’extasie toujours de pouvoir utiliser n’importe où la capacité de géolocalisation de mon smartphone pour trouver, à proximité, les services et les produits que je cherche. Je reste aussi fasciné de pouvoir obtenir en quelques secondes sur mon écran des images transmises par radar Doppler pour évaluer la durée et l’intensité d’un orage violent qui menace. Certaines de ces applications peuvent paraître futiles pour tout un chacun, mais, à l’échelle de la population mondiale et des applications d’entreprise, les avantages significatifs qu’elles apportent sont faciles à mesurer.

L’AIA, qui participe aux travaux de l’ISO par l’entremise d’ANSI, membre ISO pour les États-Unis, préconise différents domaines d’action qui au final sont bénéfiques à l’échelle de la planète. L’AIA estime que les décideurs politiques doivent veiller à la mise en place de programmes de recherche aérospatiale robustes et équilibrés, non seulement pour rapporter des profits substantiels à l’Amérique, mais également pour les systèmes aériens sans pilote et les infrastructures aéroportuaires. En tant qu’association professionnelle, elle plaide également en faveur de l’augmentation des budgets accordés à la NASA, une agence unique qui fait rêver les jeunes avec ses découvertes formidables et est créatrice d’innovations qui font souvent leur chemin dans les applications du quotidien.

L’AIA est aussi membre d’organisations de l’aviation civile qui poursuivent des objectifs fondamentaux liés à l’amélioration de l’efficacité énergétique du transport aérien visant une croissance neutre en carbone d’ici 2020. Par l’intermédiaire du Conseil international de coordination des associations des industries aérospatiales (ICCAIA), elle a rejoint des organisations du monde entier regroupant les intérêts des compagnies aériennes, des aéroports, des organismes de gestion du trafic aérien et de l’aviation d’affaires pour appuyer ces objectifs. Sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’ICCAIA travaille à l’élaboration d’une norme sur les émissions de CO2 qui sera très utile pour les nouveaux appareils de l’aviation civile.

Enfin, l’AIA participe à des groupes internationaux dont le but est de faciliter l’interopérabilité des systèmes et des processus d’affaires à l’aide des normes de la série ISO 10303, dont elle considère que les protocoles favorisent l’interopérabilité, l’archivage à long terme et l’extraction de données.

L’AIA assure le Secrétariat de l’ISO/TC 20 pour le compte de l’ANSI. Quels sont les principaux domaines d’action poursuivis aujourd’hui dans votre secteur ?

Dans le domaine de l’aérospatiale, la compétition se joue entre les entreprises et entre les pays, mais c’est aussi une communauté d’intérêts à l’échelle planétaire. La mission de l’AIA est d’assurer le succès de l’industrie aérospatiale américaine en s’appuyant sur un langage, des clients et des partenariats internationaux. Il est important que le marché américain soit ouvert pour assurer le succès des constructeurs aéro-nautiques non américains.

Par conséquent, les domaines d’action de l’ISO/TC 20 cadrent parfaitement avec les objectifs de l’AIA. Le comité technique garantit l’existence de normes internationales reconnues au plan international dans les domaines de la conception, de la construction, des essais et de l’évaluation, de l’exploitation, de la gestion du trafic aérien, de la maintenance et de l’élimination des composants, des équipements et des systèmes des aéronefs et des véhicules spatiaux, y compris en ce qui concerne, notamment, les questions de sécurité, de fiabilité et d’environnement.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas bien l’ISO/TC 20, il faut savoir que deux nouveaux sous-comités ont été mis sur pied pour les systèmes aériens sans pilote et les infrastructures aéroportuaires. Quelle est à vos yeux la pertinence de ces sujets dans le programme aérospatial mondial ?

Nous sommes très heureux de l’initiative qui a abouti à la création de l’ISO/TC 20/SC 16, Aéronefs sans pilote, et de l’ISO/TC 20/SC 17, Infrastructure aéroportuaire. Ces deux sujets sont pertinents pour les travaux de l’ISO/TC 20 et pour l’industrie aérospatiale mondiale. Le secteur des véhicules aériens sans pilote (UAS), en particulier, représente une opportunité de croissance pour l’aérospatiale.

Le champ d’application des UAS est en pleine expansion, à des fins tant militaires que commerciales. Les entreprises de commerce en ligne telles qu’Amazon et Google envisagent de proposer un service de livraison par UAS capable de transporter de petits colis dans des délais très courts. Si ce projet aboutit, d’autres normes seront nécessaires. Un grand nombre d’organisations et de pays développent des normes liées aux UAS. L’ISO/TC 20/SC 16 n’a pas pour mission d’établir des normes redondantes, mais d’identifier les besoins et les lacunes.

L’ISO/TC 20/SC 17 abordera d’importants sujets devant faire l’objet de travaux de normalisation tels que le rainurage des pistes, l’asphaltage, la signalisation verticale et les tableaux électriques et électroniques de signalisation. Il est important pour les pilotes internationaux d’avoir dans tous les aéroports des infrastructures et des tableaux de communication semblables.

L’ISO/TC 20 attend avec intérêt les programmes de travail proposés par ces sous-comités.

Enfin, quelle est, à votre avis, la stratégie générale à court et à long terme des entreprises du secteur de l’aérospatiale, notamment en termes de collaboration ? Pensez-vous que les petits pays ou les petites entreprises pourront jouer un rôle plus important dans le secteur de l’aérospatiale et au sein de l’ISO/TC 20 ?

Boeing prévoit qu’il faudra construire 36'000 avions neufs d’ici 2033.

D’après les prévisions à court et à long terme, la croissance du secteur de l’industrie aérospatiale commerciale sera exponentielle. Selon les prévisions annoncées par IATA, le taux de croissance annuel composé (TCAC) sera de 5,4 % en moyenne de 2013 à 2017. Chez Boeing, on estime qu’il va falloir construire plus de 36 000 avions d’ici 2033 pour répondre à la demande et remplacer les appareils arrivés en fin de vie. L’industrie devra donc trouver des moyens plus efficaces pour produire de nouveaux appareils ainsi que leur matériel auxiliaire, les aéroports devront accroître leur capacité, et il faudra augmenter les effectifs dans le secteur.

La technologie et les normes joueront des rôles clés pour répondre aux impératifs de cette croissance qui, je le pense, entraînera forcément l’entrée en jeu de nouveaux pays et de nouvelles entreprises sur le marché de l’aérospatiale. Il y aura certainement pour les petits pays des opportunités de participer à la base industrielle de l’aérospatiale. Si tel est le cas, j’espère qu’ils envisageront de rejoindre l’ISO et l’ISO/TC 20.


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